Il y va d'une véritable scénographie, voire d'un programme chorégraphique dont les mouvements semblent suspendus dans l'attente du regard. Fourrure, polyester, tulle, tarlatane, coton, crin de cheval, mousse synthétique, fils de laiton, de nylon ou de cuivre, caoutchouc peint à la cire, Annie Bascoul emploie toutes sortes de matériaux naturels, artificiels et organiques dont les propriétés plastiques lui permettent de suggérer l'idée d'un corps. Ses oeuvres relèvent d'une esthétique fondée sur une élégance et un raffinement qui appartient à une tradition somme toute classique de la sculpture mais dont la nature physique est aux antipodes de celle-ci. Elles sont intelligentes des recherches et des exemples que le XXème siècle a produits, tant dans leur leurs procédures et leurs matérialités que dans la remise en question du statut même de la sculpture. Dans la familiarité des plus grands, de Rodcenko et Calder à Cy Twombly et Tony Cragg.

L'art d'Annie Bascoul procède encore d'une façon d'histoire naturelle, dans une relation de sens au concept établi par Pline l'Ancien, repris ensuite par Buffon, mais surtout tel que l'a développé sur un plan purement plastique un artiste comme Max Ernst. Aux images lithographiques de celui-ci, il est plaisant en effet de faire correspondre les sculptures de Bascoul; il y va chez l'un comme chez l'autre de la mise en forme d'un monde imaginaire, d'une vision volontiers excédée dont la charge poétique le doit bien plus - pour reprendre une formule chère à Cocteau - à l'idée d'une invasion que d'une évasion ("la poésie est bien plus invasion qu'évasion" disait le poète dont la tombe est ornée de figures entremêlées de simples).

Si quelque chose d'onirique est à l'oeuvre dans le travail d'Annie Bascoul qui procède de l'outrance, de l'étrange et du mou, il y est question bien plus de surréalité que de surréalisme. Le fabuleux l'emporte ici sur l'inconscient et le réel, par cette magie qu'est l'art, connaît un nouvel émerveillement. A l'instar des peintures de Georgia O'Keeffe, les sculptures d'Annie Bascoul visent à "remplir un espace de belle manière", comme le disait l'américaine. Elles sont l'expression d'un monde organique et intime que l'artiste nous invite à découvrir pour ce qu'il offre de simple plaisir pur.

 

Philippe Piguet.