Philippe Piguet                       Catalogue édité pour l’exposition au Centre Pomel

 

Annie Bascoul, une autre histoire naturelle

 

De Froissart à Aragon, en passant par Rabelais, Chateaubriand, Zola, Apollinaire et bien d'autres, nombreux sont les auteurs - et les poètes en particulier - qui se sont penchés sur l'ancolie. Qui, sur le bord d'un chemin, en ont cueilli quelques brins pour les glisser au détour d'un de leurs écrits afin d'y introduire une touche immaculée. Fors quelques peintres, observateurs subtils et attentifs de la nature, tels que Dürer, Brueghel ou Odilon Redon, les artistes plasticiens semblent beaucoup moins nombreux en revanche à s'y être intéressés. Jusqu'à ce que Annie Bascoul jette son dévolu sur l'ancolie, aucun sculpteur n'y avait jamais vraiment prêté attention. Sans doute à cause de l'apparente fragilité de cette fleur, de sa fluidité. La sculpture est un art de l'altérité; elle exige une présence forte et suppose des matériaux résistants.

Dans l'ancolie, l'artiste a trouvé - comme a contrario - tous les prétextes à faire oeuvre. Tout à la fois, motif et motivation à toutes sortes de déclinaisons plastiques. Elle a choisi de jouer à rebours des qualités plastiques de son modèle pour l'instruire à l'ordre d'une création singulière s'offrant à voir comme "un jardin de fleurs géantes et minuscules s'étirant et se refermant selon les variétés". Des variétés, cette fleur n'en manque pas et le latin en liste une kyrielle de noms savants : aquilegia longissima, aquilegia eximia, aquilegia chaplinei, aquilegia viscosa Govan, aquilegia flabellata... Autant de noms qui ont conduit Annie Bascoul à appréhender par ailleurs l'objet de sa fascination d'un point de vue simplement littéraire pour dessiner "un jardin de poésies et de textes et un jardin-couture de fleurs vêtements inspirés librement des noms populaires de l'ancolie".

Posées au sol, épinglées au mur, suspendues au plafond, les oeuvres d'Annie Bascoul ne sont pas des sculptures ordinaires. Uniment blanches, faites de matériaux diaphanes et souples, armées d'une fine âme métallique, elles occupent l'espace de toutes les façons possibles : tantôt, elles y développent leurs formes amples pour mieux l'envahir; tantôt, elles s'enroulent comme des cocons pour mieux s'y blottir; tantôt elles se replient dans les pans de leur manteau royal pour mieux le saisir.