Après l'impact de la magie exercé par la beauté et la plénitude des séquences, le volume ainsi né pourrait s'avérer une anthologie de l'ancolie à travers les grands textes, célèbres par les noms cités, et traduits en une cursive fine et très déliée.  Cependant, ces présences, en fait, - et peu importe la renommée des auteurs qui montrent une humanité et un goût très personnels - ne sont que des précisions apportées sur cette fleur, les passages n'étant pas forcément des textes connus dans l'œuvre des créateurs présents.  Ils prennent ici une nouvelle raison d'être : celle de devenir des descriptions sensibles d'œuvres faites pour le regard, le tactile, le sensuel même.  Le dialogue d'Annie Bascoul continue avec des personnes qu'elle conna7it et avec lesquelles elle poursuit ses quêtes vers des couleurs et formes jamais vues, ou qui la surprendront encore. par l'irrationnel de leur être.

Au centre de son propos, un passage d'Hamlet le rappelle si bien, qui associe la complexité du fenouil (tiges, bractées, ombelles, ... ) à celle de la colombine, ancolie alors devenue réceptacle de déraison :

Laerte : Souvenir et pensée, c'est le mot d'ordre de la folie

Ophélie : Pour vous, du fenouil et des colombines. Pour vous, du souci (...) ..

 

Cette réflexion shakespearienne se fond parmi celles d'autres auteurs qui vont du Moyen-Age au XXe siècle , ils sont un retour aux légendes, à ces textes faits pour être lus, rappelés et dits : l'on passe d'Henri Bosco (Le Mas Téotime), à Aragon (Banche), Froissart, Rabelais, Paul Guimiard (Les Choses de la vie), Apollinaire (Alcools), Zola (La Faute de l'abbé Mouret), Pierre Jean Jouve (Mozart), Gide (Paludes), Taine (Voyage dans les Pyrénées), tout comme est présent aussi Raymond Siré , curiste de Saint Nectaire, chanteur de Roger Pénelon..

Après cette importante réunion d'amateurs d'ancolies, une ombre entourée d'un silence protecteur semble bienveiller sur l'œuvre d'Annie Bascoul.

 

Par sa puissance, sa profondeur, et son attrait immédiat aussi, cet œuvre trouve quelques échos ou affinités avec certains créateurs.  Avec Catherine Niay, les végétaux subissaient des dissections qui se sont imposées dans un gigantisme aussi terrifiant qu'érotique, de spécimen épinglés les uns proches des autres dans un herbier hors du commun.  Marinette Cueco a joué avec art des entrelacs d'herbes sauvages pour leur donner la fascination de tresses renaissantes, François Righi, dans son Traité de paonologie et autres écrits montre l'importance de la graphie, à la fois texte, art et image.